Mardi 3 mai 1977: Talking Heads, Ramones…

Concert au Palais Des Sports à Orléans

Denis m’a rejoint à 19h. Nous sommes allés dîner. Ensuite, nous avons attendu Muriel. Je m’entends désormais très bien avec elle. Elle a, bien sûr, un petit côté m‘as-tu-vu dans sa façon de parler, de paraître, mais au total, c’est une fille très agréable. Un beau petit cul même. Elle rit facilement. Je sors une petite blague et elle rit, c’est plaisant. Nous sommes partis tous les 3 vers le Palais des Sports, à 100 mètres du lycée. Il était 20h. Devant le Palais, des cars anglais. Et déjà je rêve aux stars qui s’y trouvent. À l’entrée, un énorme type chargé de surveiller. Dans le couloir, un Américain, petit, jeans, t-shirt, blouson, qui vend des tee-shirts imprimés Ramones. Il en a une valise pleine. Jusqu’au début du concert j’ai eu peur qu’il n’y ait pas les 3 groupes prévus, qu’un d’entre eux manque. Une grande salle, plusieurs milliers de places. Nous avons des places assises au 3e rang mais un peu décalées sur la gauche par rapport aux 2 colonnes de baffles qui limitent la grande scène chargée de matériel. Devant et derrière nous, des jeunes types de 16-17 ans qui font étalage de leurs connaissances musicales. Cela m’amusait beaucoup, des appréciations fondées sur des lectures peu rigoureuses, à mourir de rire : «Untel joue bien mais X c’est un pd…» La salle se remplissait mais elle n’était finalement pleine qu’à moitié. Talking Heads ont débuté avec à peine 5 Min de retard. Ils sont 4 : un batteur, une bassiste blonde aux yeux bleus qui n’a cessé de fixer le chanteur, guitariste et leader, type assez génial, un peu automate, mais vraiment pris par sa musique, le 4e, guitariste et clavier, cheveux assez longs. Ils portaient tous des jeans serrés noirs. Leur musique est la plus originale des 3 groupes : du rock, mais avec des syncopes, des climats. Une atmosphère autre que celle du rock strictement punk, le chanteur, cheveux courts, a une vraie personnalité. Ils ont joué à peine 40 minutes, le son était si fort que nous avions les oreilles bouchées. J’ai vu dans Rock&Folk que le guitariste blond est Jerry Harrison, ex-Modern Lovers.

10 minutes d’installation dans une obscurité totale, guitares qui s’accordent en douceur et début du concert des Ramones.

Fulgurant.

Les Ramones sont diaboliques: un son énorme, une rapidité! Ils sont 4, blousons râpés en cuir noir, t-shirts Mickey, jeans très très serrés jusqu’au bas des jambes et baskets blanches légères. Une mise en scène très étudiée. Le batteur et le chanteur, cheveux très longs frisés, des lunettes noires. Placés sur la même ligne de part et d’autre, le guitariste et le bassiste, même cheveux raides à la Jeanne d’Arc. Ils jouent tous les 2 la guitare placée très bas sur les cuisses, sexy. Leur trait principal, c’est la vitesse. Le bassiste joue à la vitesse d’un rythmique, très fort et le guitariste est inhumain, comment tenir à une allure aussi démente ?

C’est phénoménal, tellement puissant. Dès qu’ils ont commencé, tout le monde s’est levé et rué vers la scène. Nous étions debout sur nos chaises et dansions frénétiquement. Leurs morceaux durent à peine 2 minutes et s’enchaînent sans intermède. Le chanteur gueule le dernier lyric, les guitares s’éteignent, le bassiste gueule, crie aussitôt : One, two, three, four et ça repart. Toujours à la même allure démentielle. À New York, ils ont fait 17 morceaux en 35 min. Ici, ils ont joué 36 ou 37 Min d’après Denis, aucune chanson lente. On peut même dire que tous les titres se ressemblent sensiblement. Mais c’est extraordinairement excitant. Le chanteur a un bon jeu de micro, très violent avec le trépied. Sur disque je veux bien croire que cela n’a rien de génial* mais sur scène c’est sacrément prenant. Incroyable, inoubliable.

À un moment 3 ou 4 types dans la salle se chahutaient mais heureusement ça n’a pas tourné à la bagarre. J’étais rassuré. Après les Ramones, entracte d’un quart d’heure. Nous nous sommes baladés dans la salle. Ensuite Eddy And The Hot Rods, ils sont 5 car il y a 2 guitaristes, le son est plus étoffé mais ils ont pâti de passer après les Ramones. Comment intéresser et frapper après les Ramones ? On ne pouvait plus saisir les subtilités. Le chanteur Barry Masters est un petit bonhomme plaisant, il joue à la Jagger, il saute sur les amplis, fait la roue sur la scène, torse nu. Le batteur joue avec des chaussettes rouges montant jusqu’aux cuisses, un petit slip rouge et un bandeau autour du cou. Au moins, il est libre dans ses mouvements. Le rock est aussi très rapide et plus élaboré que les Ramones. Toutefois, cela ne m’a pas excité. Trop bouleversé par les Ramones. Je préfère Roxy Music aux Rolling Stones. C’est pourquoi la musique des Rods me laisse indifférent. 

Les Rods nous ont fait nous agiter et c’est déjà bien. Ils ont joué The Kids are all right des Who, le son était meilleur qu’à la salle des fêtes d’Orléans, mais on distinguait quand même assez mal les guitares et la voix était inintelligible. Il y a eu 2 rappels pour les Rods, au premier ils ont joué Johnny B. Goode, au 2nd Satisfaction puis enchaîné sur Gloria. Le batteur a jeté ses baguettes et j’en ai récupéré une. Une grosse fierté qui m’a valu quelques ennuis avec des types ivres qui voulaient me la prendre. Drôle. Le concert a fini peu avant minuit. Je me suis couché avec les oreilles bouchées, un voile sourd. Je me suis réveillé avec ce voile et, en ce moment, il est 2h30, j’en souffre encore, la première fois de ma vie que j’ai ce problème. Denis et Muriel l’ont aussi. Muriel était charmante hier soir et je l’aurais volontiers embrassée.

Les Ramones m’ont plus qu’emballé, c’est absolument phénoménal. 

(Extrait de mon Journal 1977) En 2022, toujours pas remis de ce concert des Ramones.

  • *En 2022 je considère que les disques studio des Ramones sont fabuleux, jusqu’à End Of The Century.

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