Paris, printemps 1942 Hélène a 21 ans, étudiante brillante. Le ciel est bleu, longues promenades avec les amis, pique niques à la campagne, la rencontre avec Jean M. En même temps les lois anti-juives tombent : l’étoile jaune, l’interdiction de sortir, l’interdiction d’entrer dans les magasins, de se faire soigner à l’hôpital… Tout cela est connu, si connu et pourtant : nulle part ailleurs que dans ce Journal je n’ai ressenti aussi précisément ce que signifie porter l’étoile jaune, le regard des autres avec toutes ses variantes. Elle dit qu’elle se force à garder la tête haute, qu’elle fixe les objets pour retenir les larmes… Au début elle est heureuse, la souffrance et l’inquiétude sont présentes mais ponctuellement. Et puis le bonheur s’éloigne, les drames succèdent aux drames sans discontinuer : les familles sont déchirées les unes après les autres, déportées.
Hélène Berr est une jeune femme d’une hauteur morale et d’une exigence intellectuelle admirables. On se sent meilleur en la lisant. C’est un petit ouvrage d’une certaine manière : géographiquement situé dans quelques rues parisiennes, une narratrice seule avec elle-même la plupart du temps, qui réfléchit, essaie de comprendre. En même temps c’est un livre magnifique, fondamental qui pose cette immense question : pourquoi le MAL ? Elle a une merveilleuse personnalité animée par une bouleversante exigence d’honnêteté. Comment l’homme peut-il infliger tant de souffrance à l’homme ? Pourquoi si peu comprennent et se révoltent ? Ce livre me fait progresser dans ma connaissance de l’homme, toujours cette coexistence du mal et du bien, de la générosité et de la lâcheté. J’ai lu Primo Levi, Imre Kertesz, Les Bienveillantes, avec Hélène Berr on plonge encore plus profondément dans la tragédie vécue par les Juifs, quand vivrons-nous tous enfin comme des êtres humains, des frères humains comme disait Albert Cohen ? J’ai pleuré de nombreuses fois en lisant ce livre. Je venais de lire Emmanuel Carrère -charmant ouvrage qui aborde aussi la Seconde Guerre Mondiale- comme il semble dérisoire en comparaison.
En résumé : bouleversé par ce livre. Je répète : une hauteur morale !!!! On voudrait rencontrer des êtres aussi « élevés » Evidemment l’époque était grave : les « héros » se révélaient, aujourd’hui tout semble si vulgaire. Pourtant le mal n’a pas disparu, la violence sur autrui continue en nombre d’endroits. Hauteur morale contre vulgarité. Je me sens juif, comme jamais. Un livre que le monde entier devrait lire.
One Comment