lu en avril 1982
Après les petites lettres d’enfant poli et respectueux viennent les premières justifications du lycéen instable. Puis le commencement de ses frasques. Il dissipe quasi-instantanément t la moitié de son héritage avec des filles. On lui nomme un conseil judiciaire, Ancelle, qui est chargé de lui verser un peu d’argent chaque mois. De là l’essentiel de la Correspondance: emprunter par-ci par-là, rembourser si possible, aggraver l’endettement, constamment chercher de l’argent. Cette quête incessante est épuisante pour le lecteur qui se demande comment est-ce possible. On se demande comment il s’y prend pour s’endetter autant. On se surprend à le supplier de s’amender. La situation devient pathétique avec le temps. Quel drame que cette gêne continuelle, l’angoisse des créanciers, l’impossibilité de vivre, l’impact négatif sur son travail, le temps gâché. Il écrit beaucoup à sa mère et pas simplement pour lui emprunter de l’argent. Il rêve de se retirer auprès d’elle dans sa petite maison d’Honfleur, rêve qui ne se concrétisera jamais. Elle est finalement la seule personne qu’il aime tendrement. Il se débat avec ses éditeurs, avec ses innombrables créanciers. La pauvreté, les dettes, la maladie tout cela lui fait une vie pénible. En littérature il correspond avec la plupart des contemporains: Hugo, Flaubert, Sainte-Beuve, Champfleury, Du Camp, Vigny, Nadar, Delacroix, Gautier. Que dire de l’homme? Intéressant, attachant dans son drame, sincère, lucide dans son malheur, sûr de son talent et souffrant de l’incompréhension de la plupart même s’il a la satisfaction d’être reconnu des grands. Avec toujours l’espoir de s’en sortir, de trouver l’aisance. Mais sa situation est inextricable. Lecture facile, toujours agréable et souvent passionnante.
Relecture du printemps 2020
CORRESPONDANCE T.1 et T.2 (la Pleiade 1973) avril-juin 2020
Après quelques lettres d’enfant adressées à son frère ainé l’essentiel de la correspondance se divise en deux parties à peu près égales. D’une part Baudelaire s’endette, court après l’argent, fuit les créanciers, jongle constamment pour éviter les pires ennuis. Supplie sa mère de l’aider, quête auprès de ses amis, se bat. D’autre part il écrit et se bat avec les éditeurs, les imprimeurs, les directeurs de journaux. Il lutte pour que le texte soit imprimé sans faute… Lecture passionnante mais aussi asphyxiante car il semble n’avoir jamais de répit et la fortune, ou du moins l’aisance qu’il espère jour après jour n’arrive jamais. Il change de domicile constamment pour échapper aux créanciers. Il récupère un peu d’argent qui ne sert jamais qu’à rembourser les dettes les plus urgentes. La situation ne s’améliore pas et le lecteur souffre presque autant que l’auteur. Un instant de soulagement lorsqu’il passe quelques semaines auprès de sa mère à Honfleur. Le plus terrible c’est que cette course folle après l’argent lui laisse peu de temps pour écrire, pour se consacrer à l’essentiel. Il court, il court sans cesse. Seules les notes de l’éditeur permettent de mieux cerner sa vie personnelle car dans les lettres si l’amitié apparait, l’amour est absent, sauf avec Mme Sabatier dont on ne comprend pas bien pourquoi il s’en sépare. Il correspond avec Sainte-Beuve, Nadar, Delacroix et un peu avec Victor Hugo, alors exilé à Guernesey, avec plusieurs poetes et romanciers. Beaucoup avec son éditeur Auguste Poulet-Malassis. Si la notoriété lui vient avec la publication des Fleurs Du Mal et surtout le procès qui l’a suivie, sa vie quotidienne ne profite d’aucune amélioration. Aujourd’hui il est considéré comme un des 5 grands poètes du 19ème mais à l’époque? Il est lucide sur son talent mais sait que seule une minorité, les Happy Few dirait Stendhal, est en mesure de l’apprécier.
Jusqu’au dernier jour il est en quête d’argent, pour survivre et pour rembourser quelques dettes. C’est une course terrifiante, épuisante, qui ne lui laisse aucun répit, une épouvantable distraction qui l’empêche d’écrire, il ne connait aucun répit. D’autant qu’il s’affaiblit, que la maladie s’installe peu à peu. En 1864 il part en Belgique avec l’espoir de donner des conférences et de trouver un éditeur solide. Aucune de ces espérances ne se concrétisera et il se retrouve coincé à Bruxelles pendant deux ans, toujours plus endetté, au milieu d’une population qu’il déteste et ne lui offre aucune assistance. Avec le sentiment que Les Fleurs Du Mal, si elles étaient disponibles, pourrait lui garantir un revenu satisfaisant mais faute d’un éditeur dévoué, après la faillite et l’exil de Poulet-Malassis, rien n’avance.
Terrible destin. On lui voit si peu de répit, si peu de bonheur, si peu de repos. Malgré son talent. Excellente lecture. Mais triste, mais éprouvante. Quelle injuste destinée, qu’avec un talent aussi original il vive constamment dans la misère et les expédients.