Stephin Merritt et The Magnetic Fields******

Février 2000 Je regardais les nouveautés rock de la Fnac Ternes quand j’ai entendu un morceau intéressant sur la sono du magasin. Un son rock, New Yorkais, qui m’a fait penser à Lou Reed. Par instant je me disais c’est du Lou Reed,  puis non ce n’est pas tout à fait sa voix malgré des tonalités similaires dans le grave. J’ai écouté encore une minute et je me suis approché d’un vendeur qui m’a dit: « C’est un groupe qui s’appelle les Magnetic Fields, c’est un triple CD, c’est le dernier qui nous reste, vous le voulez? » Je l’ai pris en main, l’album s’appelait 69 Love Songs, ce n’était pas cher, j’avais apprécié la chanson que j’avais entendue. Je l’ai acheté. Le morceau du magasin c’était A Chicken with its head cut off, le quatrième morceau du premier cd. Durant une semaine je ne suis jamais allé plus loin que ce 4ème morceau. J’ai écouté plusieurs fois par jour les 4 premiers en me disant: ce n’est pas possible! Est-ce que j’ai déjà entendu un disque avec autant de qualité, autant de densité? C’était exactement la musique qui me touchait. Des mélodies imparables à chaque morceau. C’était délicieusement pop, tendre, émouvant. C’est devenu mon absolute best, dès cette première semaine. Et je n’avais toujours pas écouté le 5ème titre. 69 Love Songs. Personne autour de moi n’en avait jamais entendu parler. Un peu plus tard j’ai lu la chronique de Rock & Folk. 3 étoiles sur 5. Bon, tous les goûts sont dans la nature. Le journaliste n’avait pas eu le temps de bien l’écouter. Trop long, sûrement: 3 cd! Evidemment j’ai remarqué des critiques plus positives, dithyrambiques même, aux US. Je ne pouvais quand même pas être le seul à avoir identifié cette perle. Le tout premier morceau Absolutely Cuckoo était celui qui m’accrochait le moins, mais I Don’t Believe In The Sunon atteignait un sommet et puis All My Little Words était une merveille, un joyau mélodique. Chicken c’était une très bonne chanson avec encore une mélodie super catchy. J’étais tellement passionné de ce démarrage que je ne pouvais pas aller plus loin, je ne pouvais pas ne pas être déçu. Pourtant je me suis risqué et je ne m’en suis jamais remis.

Ce Stephin Merritt est le meilleur compositeur que je connaisse.

J’adore Bryan Ferry (Roxy Music), J’adore Paddy McAloon (Prefab Sprout) mais Stephin Merritt va encore plus loin. Il a ce talent infernal de construire de courtes chansons avec chacune une mélodie, cet art de monter et de redescendre avec une grâce inouïe. J’ai fini par écouter tout le premier cd puis le second puis le troisième. Pendant un an j’ai écouté les Magnetic Fields tous les jours. Le matin j’allais courir au Parc De Sceaux, j’écoutais plus d’une heure de 69 Love Songs. Chaque jour je m’émerveillais, jamais de lassitude. Sur les 69 est-ce qu’une me plaisait moins? Oui probablement The Book Of Love que je trouvais un peu lourde, un peu lente.  Mais quand on aligne: I Think I Need a New Heart, The One You Really Love, My Sentimental Melody, If You Don’t Cry, You’re My Only Home, My Only Friend, Epitaph for My Heart, The Sun Goes Down and the World Goes Dancing, The Death of Ferdinand de Saussure, Queen of the Savages, Blue You,  I Can’t Touch You Anymore, (Crazy for You But) Not That Crazy, No One Will Ever Love You… Aucun autre disque ne l’égale. La mélodie, la tristesse, le désespoir, la déception, l’auto-dérision, il vous arrache des larmes.

J’avais compris que c’était un album culte, que ce n’était pas le premier album de TMF, que Stephin Merritt écrivait beaucoup d’autres choses, chaque fois avec le même talent – sauf peut-être ses musiques de film et de comédie musicale. J’ai acheté tout ce qu’il a fait et il est devenu mon musicien préféré, le compositeur le plus cher à mon coeur, celui qui me touche immanquablement. La mélodie absolue jusqu’à A Man Of A Million Facesqu’il compose en direct pour la radio américaine. Sauf dans ses albums des années 2000 moins bons, moins efficaces. Mais quand on ajoute les albums des années 90, avec TMF, Future Bible Heroes et les 6ths, dont la sublime Just Like A Movie Star, interprétée par Dominique A (à qui j’ai demandé ce qu’il pensait de Stephin: « comme tous les génies, à la fois fascinant et décevant ») on se retrouve avec tellement de belle musique qu’on pourrait s’en contenter éternellement.

Plus tard j’ai dessiné une chaussure pour Bluedy que j’ai nommée la Stephin en son hommage. J’ai demandé l’autorisation à Claudia Gonson, sa collaboratrice, qui me l’a accordée gentiment, je lui ai proposé d’envoyer des chaussures à Stephin pour le remercier. Je n’ai jamais reçu sa pointure mais en revanche il a déclaré à Pitchfork qu’il haïssait les Français, qu’il fallait leur envoyer des bombes. Quand le journaliste a répondu qu’un Français lui avait dédié une chaussure il a dit que je ne lui avais même pas offert une paire. C’était juste de la provocation. Jamais ils n’ont pu jouer de concert en France, c’est le seul pays au monde où Stephin est ignoré. Aucun tourneur ne peut prendre le risque de les faire venir en France, ils ne rempliraient pas une petite salle. Incroyable mais vrai.

Immense compositeur, le plus grand du 20ème à mon humble avis.

69 Love Songs restera le plus beau CD du 20ème siècle.

Laisser un commentaire