lu en juillet 1981
A l’été 1914 on retrouve Jacques en Suisse, militant des mouvements socialistes et pacifistes. Les discussions entre militants sont infinies: la Guerre aura-t-elle lieu?
Elle éclate. Jacques, de retour à Paris, retrouve Jenny. Ils s’aiment et vivent un bonheur total. Mais Jacques songe aussi à la guerre et il décide d’entreprendre le geste qui d’après lui peut tout stopper: distribuer des tracts sur le front à l’aide d’un avion. Il parvient à monter l’opération mais l’avion s’abat prématurément. Échec. Jacques, grièvement blessé, est tué peu après.
Épilogue: on retrouve Antoine, gazé, en 1918. Jenny est la maman d’un petit Jean-Paul, le fils de Jacques. Toute la famille travaille dans un hôpital improvisé. Daniel est blessé comme tant d’autres. Antoine pressent sa mort prochaine. Le livre se termine sur son Journal. Il meurt peu après l’Armistice, il suffit d’une piqure.
Un récit toujours humain, une littérature posée, objective, riche. Un travail de grand ampleur, dominé par la Guerre et son horreur. Des personnages complexes, humains. L’idéaliste Jacques et le réaliste Antoine qui se rejoignent.
Relecture de 2017:
Le Cahier Gris
Oscar Thibault, notable catholique a deux fils Antoine jeune médecin et Jacques lycéen romantique, exalté ami de Daniel De Fontanin famille protestante. Jacques et Daniel se sont enfuis à Marseille, ils ont 15 ans. Ils sont retrouvés.
Le Pénitencier
Jacques est enfermé dans une maison de redressement où il subit un régime sévère. On découvre Jérome de Fontanin qui a quitté le domicile conjugal et va de maitresse en maitresse.
La Belle saison
Jacques entre à l’Ecole Normale. Antoine rencontre une femme, Rachel, qu’il va aimer jusqu’à son départ pour le Congo où elle retrouve un amant à qui elle ne peut échapper. Jacques est épris de Jenny, la soeur de Daniel. Elle le fuit.
La Consultation
Antoine est un médecin de 32 ans qui a du succès. On le suit pendant une journée: il va tout autant soigner un personnage politique d’une syphilis, qu’un orphelin sans le sou, que des jeunes et jolies femmes qui l’aguichent, il laisse administrer une dose mortelle à un bébé atteint d’un mal sans espoir.
La Sorellina
Oscar Thibault est alité pour le mal qui l’emportera. Antoine, décide de retrouver son frère Jacques qui a disparu depuis 3 ans. il le localise à Lausanne suite à une rencontre avec un professeur de Normale, Jalicourt. Il le retrouve là-bas et le convaint de rentrer à Paris, ne serait-ce que quelques jours. Jacques est mystérieux, il ne révèle pas à quoi il est occupé même si Antoine a appris qu’il écrivait, il le voit aussi en discussion avec des gens dont on peut imaginer que ce sont des militants politiques. Ils reviennent ensemble à Paris.
La Mort Du Père
Ils veillent leur père mourant. Le père qui réagit diversement à l’approche de la mort. A l’incrédulité succède la révolte contre Dieu qui lui arrache la vie. Le prêtre de la famille parvient à le calmer. Il meurt, les visites se succèdent. Gise, toujours amoureuse de Jacques rentre à Paris mais ce dernier lui fait comprendre clairement qu’il ne l’aime pas. La souffrance de Gise est particulièrement touchante. Antoine fouille dan sles paiers de son père et découvre uen nouvlele facette de l’homme, il le découvre tendre avec sa femme, leur mère décédée à la naissance de Jacques. Il découvre aussi qu’il a été épris d’une femme durant des vacances, qu’il a passé une annonce matrimoniale. Toute la complexité d’une homme attaché à la grande morale bourgeoise avec ses grandeurs et ses faiblesses. Puis c’est l’enterrement à Crouy, là où se tient la Fondation Oscar Thibault, là où Jacques a été « incarcéré ». Antoine écoute sans patience les discours des personnalités venues saluer la mémoire de l’homme de bien. Il revient à Paris en train avec l’Abbé Vécard qui a célébré la messe et lui explique clairement qu’il n’a pas la foi, ne l’a jamais eue. RMDG excelle dans ces dialogues fouillés, riches, complets réalistes.
L’Été 1914
Quelques journées de juillet-août 1914 quand Jacques coordonne les efforts pacifistes à Genève puis à Paris. Il retrouve son frère ouvert à la discussion mais qui considère qu’il est du devoir de chaque Français de rejoindre son régiment, d’obéir à la Patrie. On assiste à toutes les discussions entre militants où l’idée majeure est de refuser la guerre en conservant l’unité entre les militants socialistes allemands et français. On suit Jaurès qui est la grande figure de la gauche pacifiste, patron de L’Humanité. Jacques a retrouvé Jenny, la soeur de son ami Daniel, ils se révèlent leur amour et ne se quittent plus dans ces journées décisives de fin juillet 1914 où Jacques fait tout ce qu’il peut pour accompagner le mouvement pacifique et jouer son rôle de coordinateur avec les militants basés à Genève. Puis Jaurés est assassiné et la Russie déclare la guerre à l’Allemagne alliée de l’Autriche, et la France, alliée de la Russie, suit. On assiste aux premières loges aux manoeuvres des gouvernements qui souhaitent finalement tous, sauf peut-être l’Angleterre, la guerre et les opinions publiques manipulées suivent comme un seul homme. Jacques et quelques autres, constatent avec effroi que les meilleurs militants cèdent au patriotisme et veulent marcher sur Berlin. Jacques ne voit plus qu’une seule issue, retrouver Le Pilote, son mentor genevois, et lancer des tracts sur la ligne de front pour que les soldats des deux camps lachent leurs armes et fraternisent en évitant un carnage qui ne profitera qu’aux grands industriels.
Jusqu’au sacrifice final, bouleversant.
Roman puissant, réaliste, profond, documenté, riche de tous les points de vue et qui est un témoignage implacable contre la guerre. Tout parait tellement juste, jusqu’aux témoignages que Jacques entend dans les rues, dans le train, le bon sens populaire qui gobe tous les arguments employés par les gouvernements. Quel livre! Quel admirable travail de RMDG. Voila un Prix Nobel mérité. Et puis il y a l’histoire d’amour avec Jenny, passionnante elle aussi, tout aussi juste et captivante. Un grand livre. Toujours avec une écriture contenue, sans effet, précise, au plus près de l’humain dans sa complexité. L’homme montré dans sa noblesse, dans ses meilleurs élans, le cruel destin de l’humanité et aussi les éclairs de beauté: l’amour de Jenny et Jacques, de Gise, la générosité.
Epilogue
6 mois de l’année 1918: Antoine a été gazé et se rétablit dans un sanatorium à Grasse. Averti de l’enterrement de Melle de Vaize il décide de s’y rendre et c’est l’occasiond epasser quelques jours à l’hopital Fontanin gérée par Mme de Fontanin aidée de Jenny et Gise qui sont devenues très amies. Le fils de Jacques et Gise a maintenant 3 ans, Jean Paul, un garçon auquel Antoine s’attache et qu’il veut aider dans la mesure du possible. Malheureusement Antoine a désormais la certitude qu’il va mourir et qu’il n’a plus beaucoup de temps à vivre. Il mourra au moment de l’armistice. Il tient son Journal qui est rempli de l’espoir de la fin de la guerre comme de toutes ses réflexions sur la vie, la religion, sa famille. UN bon ouvrage de qualité mais évidemment moins fort que L’ÉTÉ 1914.
Une lecture très agréable, variée, on s’intéresse aux personnages, on découvre leur complexité. On les voit avancer. Il y a chez RMDG une construction cohérente, riche et profonde, résultat de ses fameux plans. C’est remarquable. Il n’écrit pas au fil de la plume et le résultat est plus que probant. Il veut peindre la vie dans ses multiples facettes, la société, les hommes et les femmes. Littérature de grande qualité. Un grand livre comme je n’en avais pas rencontré depuis un moment.