lu en juin 1980
Genève 1935 Adrien Deume travaille comme petit fonctionnaire à la SDN. Il vit chez sa tante et son oncle qui le considèrent comme un fils. Adrien est marié à la belle Ariane, aristocrate, romantique et littéraire. Adrien, ambitieux, noue des relations. Solal, sous-secrétaire général à la SDN, jouit d’une position considérable. Il loge au Ritz et roule en Rolls. Il aime Ariane. Il se présente chez elle, elle le repousse. Solal procure de l’avancement à Adrien qui l’invite chez eux. Solal refuse et les invite au Ritz. Ariane arrive en retard et se retrouve seule avec Solal. Il se lance dans une démystification de la séduction et de l’amour. Ariane tombe dans ses bras. Leur liaison commence. Adrien est envoyé en mission. Les parents Deume sont en Belgique. Bonheur de Solal et Ariane. Solal part en mission à son tour. Il rentre à Genève en même temps qu’Adrien. La même nuit Solal et Ariane quittent Genève. Ils s’installent à Agay. Ils vivent repliés sur eux-mêmes, dans le luxe. La SDN a exclu Solal, Ariane l’ignore. Solal commence à s’ennuyer. Il découvre les petits défauts d’Ariane. Aucune vie sociale, plus rien. Il tente des démarches à Paris, rien n’aboutit. Il se sent juif perdu dans la ville et dans la vie. Il rentre à Agay. L’ennui. Ariane révèle qu’elle a eu un amant, Dietsch, avant de le rencontrer. Immense, folle jalousie de Solal. Le couple se désagrège, insupportable, violence, souffrances, menaces de rupture, maladies. Ils s’adonnent à l’éther et se suicident aux barbituriques.
Un immense livre, grand comme Ulysse, grand comme La Recherche. Un livre qui vous fait rire, qui vous fait pleurer, qui vous émeut, vous épuise. Les personnages s’expriment avec naturel: Adrien qui rêve de promotion de relations, merveilleux comique. Madame Deume et ses prétentions mondaines. Et puis l’amour de Solal et Ariane, beauté resplendissante, tendresse immense, infinie, délicatesse sublime. Pas à la Bernardin De Saint-Pierre mais la réalité du quotidien, si humaine, les petits mots, les petits gestes répétés à l’infini, une tendresse du coeur naïve, modeste, infiniment admirative, toutes les petites choses pour se rendre heureux. Ce n’est pas un roman, c’est la vie vécue seconde par seconde, les riches et les pauvres, les joies, les douleurs, les hommes vrais, les sensibles et les méchants, les ignorants. Après leur bonheur, Ariane qui attend Solal, moments d’un amour fabuleux, si beau, c’est la descente, l’ennui, la jalousie. Ils ont quitté la vie, se sont enfermés, ils n’ont pas compris que la vie nourrit le quotidien. Le drame de l’homme, la virilité et la jalousie, la solitude. Insupportable fin du bonheur, terrible violence. Puis un instant de beauté: Laure et Solal.
Parfois des passages un peu longs, plus difficiles: monologues pensés sans ponctuation, sans syntaxe. Un livre de la vie, beau, triste et drôle. Il peint l’amour avec son coeur, sa tendresse à lui, sans déguisement, sans effet. Le rêve d’un monde d’amour, la fraternité et plus de méchants. Il s’expose dans sa fragilité, comme un pacifiste sur le champ de bataille, la chemise ouverte avec l’espoir d’attirer d’autres déserteurs, idéalistes fous. Bouleversant de justesse et de sincérité. Tout le monde rêve de fraternité, Albert Cohen l’exprime simplement. Ce n’est pas un écrivain qui se déguise dans ses romans, qui cherche à passer pour intelligent, il se montre à nu, en homme simple, un ami. Il écrit pour sa femme, pour la séduire, pour lui plaire, il se fout du succès. Il me fait pleurer.
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